samedi 25 octobre 2014

La philosophie de la fée

Texte : Bénédicte Carboneill
Illustration : Marie-Pierre Emorine
24 pages


Lucibelle est une fée qui fait ce qui lui plaît, sans aucune limite. Ainsi, à l'aide de sa baguette magique, notre héroïne ne cesse de changer les couleurs des fleurs au gré de ses envies. Cela agace beaucoup Martin le lutin, qui ne cesse de se perdre et essaye vainement de faire entendre raison à Lucibelle. 
Excédé, Martin veut prouver à la fée que lui aussi, peut entreprendre ce que bon lui semble : il se met aussitôt à couper toutes les fleurs ! S'en suit alors une dispute lors de laquelle ils n'entendent pas arriver Paprika la sorcière qui transforme la jolie Lucibelle en grenouille...
C'est une fois métamorphosée, seule sur son nénuphar, que cette dernière regrette ses actes et médite sur le sens de la Liberté. 
Elle s'empresse ainsi de chercher une formule dans son grimoire magique de fée, afin de retrouver son aspect physique ; tâche qui s'avère difficile au vu de sa taille actuelle, mais heureusement, le gentil lutin est présent pour l'aider. La deux-cent soixante-troisième page indique la solution : MARTIN DOIT EMBRASSER LUCIBELLE ! 
Réticent dans un premier temps, il finit par accepter et rétablit la paix entre les deux nouveaux amis. 
La leçon délivrée par cet album est clairement formulée sur la dernière page : "La liberté s'arrête là où commence celle des autres". Il s'agit d'un proverbe bien connu de tous, mais qui reste cependant à méditer sans cesse...

Lire c'est partir


Je souhaitais vous parler d'un éditeur que j'ai découvert l'année dernière grâce à ma tutrice de stage, professeure en école maternelle. Comme le logo l'indique, il s'agit de Lire c'est partir, qui propose des albums/CD audio et livres jeunesse à 0.80€ seulement ! OUI, vous avez bien lu : 80 centimes seulement ! Le secret de ce coût si faible réside dans le fait qu'aucun bénéfice n'est généré, tout est uniquement calculé pour que les différents frais soient couverts. Et le succès est au rendez-vous, puisque c'est une histoire qui dure depuis seize ans déjà ! 

Pour ceux d'entre vous qui seraient intéressés, voici le lien vers la boutique : 

LIRE C'EST PARTIR, association loi 1901, créée en 1992 par Vincent Safrat, a pour but de favoriser l'accès à la lecture pour tous, en commençant par les plus jeunes "parce que la littérature aide à vivre, dans un livre, il y a tout..."

Zoé et les doudous


Texte et illustration : Thierry Laval
16 pages



Zoé farfouille dans son coffre à doudous, à la recherche du candidat idéal... 

C'est un album intéressant pour les tout petits car y a lieu un défilé d'animaux plus colorés les uns que les autres, et l'auteur y mentionne les caractéristiques de chacun d'entre eux, afin de les reconnaître et permettre aux enfants un certain apprentissage implicite.

vendredi 24 octobre 2014

Le poison d'amour

Julia, Raphaëlle, Colombe et Anouchka, élèves en classe de première au lycée Marivaux, forment un quatuor parfait. A l'instar des autres filles de leur âge, nos protagonistes ont des rêves plein la tête, notamment un : l'Amour avec un grand A, celui qui fait frissonner, à la Roméo et Juliette. En l'occurrence, cela tombe à pic, car cette pièce sera jouée lors du spectacle du lycée, et Monsieur Palanquin, professeur de théâtre, est à la recherche de jeunes talents...

Le poison d'amour est intégralement composé d'extraits provenant du journal intime respectif de chaque adolescente ainsi que des échanges de messages, inscrits dans un axe chronologique qui nous permet de progresser jusqu'à l'événement qui se place en tant que "fil conducteur" de ce roman, soit la représentation théâtrale de Roméo et Juliette. Il s'agit ici d'un point de vue intéressant qui nous permet de constater à quel point ce groupe dont l'amitié semble si magnifiée, comporte également des failles. N'oublions pas que ce tout, cet ensemble est composé de quatre êtres à part entière, qui respirent, se mouvent, et pensent individuellement. Et ce qui vaut pour l'amitié, vaut sans doute pour l'amour également...

"L'amitié est une farce et l'amour un poison."

Ainsi, Eric-Emmanuel Schmitt aborde la majeure partie de ces problèmes qui font partie du quotidien des adolescents -mais pas seulement !-, et la manière dont les principaux intéressés s'y prennent pour les résoudre ou les philosopher. Aussi, est-il vrai que nos quatre héroïnes font preuve d'une maturité assez incroyable pour leur âge, et on pourrait leur reprocher un langage et des opinions un peu trop "adultes" du haut de leurs (tout juste ou presque) dix-sept ans.  

Au cours de ma lecture, j'ai relevé une citation qui m'a parue être la clé de toutes les relations faisant vivre ce roman : "Naguère, j'étais libre et je m'amusais. Ce soir, je pleure, je peste, je rage. Ce garçon m'a rendue épileptique et fichue en prison". Colombe et Lucas, Colombe et Mehdi, Marie et Augustin, les parents d'Anouchka, les grands-parents de Raphaëlle, Dad et Gaspard, Julia et Terence, Raphaëlle et Terence, Juliette et Roméo. Bien plus que de s'appliquer à ces couples, ces trois phrases incarnent une définition possible de l'amour : la souffrance comblant le vide immense que laisse le bonheur d'avoir été aimé en partant, la sensation d'être prisonnier de cette machine, drogué à cette substance mortelle qui s'appelle l'Amour. Lors de notre passage sur Terre, personne n'y échappe. Et comme le personnage de Colombe nous l'enseigne, il faut faire de l'Amour une force et non le percevoir tel un danger car : "Il n'y a que deux verbes que je peux conjuguer au futur avec certitude, j'aimerai, je mourrai. Alors, je vous l'annonce : avant de mourir, j'aurai beaucoup aimé !"

En somme, j'ai beaucoup apprécié ce roman qui se dévore un peu trop vite (à mon goût) et permet de mener une réflexion sur l'amour et l'amitié...Libre à vous de tremper vos lèvres dans ce poison cruellement doux ; pour ma part, je vais poursuivre mon analyse en me replongeant dans l'oeuvre de Shakespeare ! 

mercredi 22 octobre 2014

La Demoiselle des Tic-Tac

C'est au mois de juin dernier que j'ai fait la découverte de ce roman que je n'avais pas terminé et qui a passé tout l'été oublié au fond d'un sac...


Ainsi, c'est page après page que j'ai avec grand plaisir replongé dans le monde de Rosy, jeune fille née d'un père allemand, Peter, et d'une mère française, "Mutti". Cependant, les deux sont divorcés, ce qui est très mal jugé par la doxa à cette époque, et qui contraint donc Rosy et sa mère à s'installer chez la mère de Peter, dans un petit village de Moselle. Sous le doux nom d'Oma Chouchou se dissimule néanmoins une grand-mère qui inspire une forme de peur à notre personnage principal, par ses traits physiques d'une part, mais sans doute par le fait qu'Oma Chouchou se révèle être tout l'opposé de la jeune fille et Mutti : allemande, protestante, vouant une haine aux juifs et à l'inverse un culte à Hitler.

"Quand on est né lorrain, comme nous, il est parfois bien 
compliqué d'expliquer qui on est et d'où on vient".
(Nathalie Hug)

Dans ce roman, Rosy nous fait part de toutes ses (pré)occupations quotidiennes, qui s'avèrent être les mêmes que toutes les autres Mädchen de son âge : son amitié avec Andy et la mort de Skrönch leur petit hérisson, la découverte de la sexualité, etc.
Mais au-delà de cet aspect, la protagoniste, à travers l'innocence partielle de ses mots, nous livre la cruauté frappant au sein des villages et des familles durant cette période si sombre que fut la Seconde Guerre Mondiale. Aussi, est-ce cette dimension-là précisément qui reflète tout l'intérêt du travail et de la réflexion menés par Nathalie Hug. Ainsi est notamment soulevée la problématique mettant sur le devant de la scène des lorrains sans cesse en quête de leur identité, marqués par une Histoire riche et tumultueuse. En effet, aujourd'hui encore, soixante-dix ans après la défaite de l'Allemagne, la culture de ce pays est omniprésente au quotidien en Alsace-Moselle (maintien de certains jours fériés tels que le Vendredi Saint ou le 26 décembre, dialecte allemand, etc.). 
Enfin, la part historique de La demoiselle des Tic-Tac est enrichissante à travers la description des sentiments qu'éprouvent les habitants, victimes de la guerre, apeurés dans le noir, recroquevillés sous le bruit incessant des obus et néanmoins admiratifs face au Führer, à la puissance de cet homme envers qui ils expriment un respect démesuré.

mercredi 1 octobre 2014

No et moi

Elle avait l’air si jeune. En même temps il m’avait semble qu’elle connaissait vraiment la vie, ou plutôt qu’elle connaissait de la vie quelque chose qui faisait peur. 
Adolescente surdouée, Lou Bertignac rêve d’amour, observe les gens, collectionne les mots, multiple les expériences domestiques et les théories fantaisistes. Jusqu’au jour ou elle rencontre No, une jeune fille a peine plus âgée qu’elle. No, ses vêtements sales, son visage fatigue, No dont la solitude et l’errance questionnent le monde. Pour la sauver, Lou se lance alors dans une expérience de grande envergure menée contre le destin. 
Mais nul n’est à l’abri.

Citations
"Un autre soir je marche avec elle, pas loin de Bastille, un homme nous interpelle, vous n'auriez pas une petite pièce s'il vous plaît, il est assis, le dos appuyé contre la devanture d'une boutique laissée à l'abandon, No jette un œil, nous passons devant lui sans nous arrêter. Je la pousse du coude, c'est Momo, ton copain de la gare d'Austerlitz ! Elle s'arrête, hésite quelques secondes, fait demi-tour, s'approche de lui, elle dit Salut Momo et lui tend un billet de vingt euros. Momo se lève, se tient devant elle, droit comme un i, il la regarde de bas en haut et de haut en bas, il ne prend pas le billet, il crache par terre, il se rassoit. Je sais bien à quoi elle pense, tandis que nous reprenons notre marche, elle n'est plus de ce monde et elle n'est pas du nôtre non plus, elle n'est ni dehors, ni dedans, elle est entre les deux, là où il n'y a rien."

"Avant de rencontrer No, je croyais que la violence était dans les cris, les coups, la guerre et le sang. Maintenant je sais que la violence est aussi dans le silence, qu'elle est parfois invisible à l’œil nu. La violence est ce temps qui recouvre les blessures, l'enchaînement irréductible des jours, cet impossible retour en arrière. La violence est ce qui nous échappe, elle se tait, ne se montre pas, la violence est ce qui ne trouve pas d'explication, ce qui à jamais restera opaque."

"A la voir on pourrait croire qu'elle rentre d'un long voyage, qu'elle a traversé le désert et les océans, marché pieds nus sur les entiers de montagne, longé des kilomètres de nationales, foulé des sols inconnus. Elle revient de loin".